Blue Origin, de l’espace à l’orbite

Le 16 janvier dernier, le lanceur New Glenn, dernier né de la société Blue Origin a décollé de Floride direction l’orbite pour son vol inaugural NG-1.

Cette étape marque l’entrée de la firme de Jeff Bezos dans la cour des grands avec un accès à l’orbite (avec le New Shepard, il ne s’agissait que de suborbital). Capable de placer 45 tonnes en orbite basse et 7 tonnes vers la Lune, le New Glenn, avec ses 98 mètres de hauteur, ambitionne de concurrencer les acteurs déjà établis comme SpaceX et ULA.

Fondée en 2000, Blue Origin devance SpaceX en termes de date de création. Cependant, elle a mis plus de temps à atteindre l’orbite, SpaceX y parvenant dès 2008 avec son Falcon 1. Cette différence de rythme s’explique peut-être par l’approche prudente et progressive de Blue Origin. D’ailleurs, sa devise latine est « Gradatim Ferociter » (pas à pas et vaillamment). Avant le New Glenn, la société s’est fait la main avec le New Shepard, un lanceur et une capsule réutilisables dédiés au vol suborbital habité. Ces vols, bien que n’atteignant pas l’orbite, ont permis à Blue Origin de monter en compétence. Ils ont permis aussi d’explorer le tourisme spatial suborbital.

Du suborbital à l’orbite

L’ambition orbitale de Blue Origin s’est concrétisée avec le New Glenn, propulsé par sept moteurs BE-4 développés en interne. Ce moteur, d’une poussée de 245 tonnes, témoigne du savoir-faire technologique de l’entreprise. Fait notable, United Launch Alliance (ULA) a choisi le BE-4 pour propulser le premier étage de son nouveau lanceur Vulcan Centaur, illustrant la reconnaissance de la qualité de ce moteur par des acteurs traditionnels du secteur.

La vision de Jeff Bezos pour Blue Origin s’inspire des concepts de villes spatiales de Gerard O’Neill, professeur à Princeton où Bezos a étudié.

Néanmoins, Blue Origin vise des objectifs plus immédiats, comme l’accès au marché des lancements de charges lourdes avec le New Glenn et les missions lunaires dans le cadre du programme Artemis de la NASA. Blue Origin a d’ailleurs été sélectionnée en 2023 pour fournir un atterrisseur lunaire, le Blue Moon.

Le vol inaugural NG-1 du New Glenn a certes permis d’atteindre l’orbite et de placer le Blue Ring sur orbite. Cependant, le retour du premier étage sur la barge a échoué en raison d’un problème de transfert d’ergols. Malgré ce revers, Dave Limp, PDG de Blue Origin, s’est montré optimiste quant aux prochains vols.

Il a également été évoqué que le démonstrateur automatique Mark 1 de l’atterrisseur lunaire Blue Moon pourrait faire partie des prochaines missions.

Malgré ce demi succès, Blue Origin a annoncé le licenciement de 10 % de son personnel peu après ce vol inaugural. L’entreprise justifie cette décision par une croissance rapide ayant entraîné une bureaucratie excessive et par une adaptation des effectifs. Le passage du lanceur de la phase de développement à l’exploitation opérationnelle ne demande plus autant de personnel. Cette décision rappelle certaines pratiques de gestion critiquées chez Amazon, l’autre entreprise de Jeff Bezos.

Point faible de Blue Origin, une communication discrète et un contrôle strict des informations, à l’image d’Amazon. Il est difficile d’avoir des informations très détaillées sur les avancées de l’entreprise.

Ambitions martiennes ?

Enfin, face à l’instabilité potentielle des priorités spatiales américaines (un possible regain d’intérêt pour Mars ?), Blue Origin se montre adaptable. Dave Limp a suggéré que le New Glenn et le Blue Moon pourraient être modifiés pour des missions martiennes. En faisant ce choix, Blue Origin se place dès maintenant dans une course avec SpaceX. Malgré un premier vol orbital imparfait, Blue Origin franchit une étape cruciale. Dès lors, il se positionne comme un acteur majeur dans la nouvelle ère de l’exploration spatiale, fidèle à sa devise : avancer pas à pas vers et vaillamment.

Pour en savoir plus : lire notre article complet dans le numéro 86